Impossible de passer à côté : la proposition Omnibus de la Commission Européenne a vite fait le tour du monde depuis sa publication le 26 février 2025. De quoi parle-t-on et quels impacts cela pourrait-il avoir sur le reporting extra-financier des entreprises concernées ?
Le Pacte Vert en quelques mots
Le Pacte Vert pour l’Europe comprend une série de propositions adoptées par la Commission Européenne en 2021 afin d’atteindre un objectif ambitieux : faire de l’Europe le premier continent neutre pour le climat à l’horizon 2050 (source ici). A travers cette proposition, l’Europe désire protéger les populations les plus vulnérables, soutenir les producteurs dans la transition vers des pratiques plus durables, et favoriser la levée de capital pour soutenir la transition énergétique et le développement de technologies bas carbone.
Ce Pacte Vert pose les fondations de la stratégie européenne en matière de durabilité à travers un cadre réglementaire ambitieux afin de pousser notamment les entreprises à s’aligner sur les objectifs climatiques de l’UE.
Remise en question et proposition Omnibus
Le début d’année 2025 a vu un revirement de position de la Commission Européenne, qui s’est inquiété de la contrainte posée par plusieurs directives du Pacte Vert pour les entreprises européennes. Les arguments principaux avancés étaient que ces entreprises perdaient en compétitivité et seraient noyées dans la charge administrative supplémentaire engendrée par ces nouvelles réglementations.
Le 26 février 2025, elle a publié une proposition dite " projet Omnibus " afin de simplifier trois directives clés du Pacte Vert :
- La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui fixe le champ et les conditions pour la publication d’informations non-financières ;
- La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D) qui fixe un devoir de vigilance pour les entreprises concernées le long de leur chaîne de valeur ;
- La Taxonomie européenne qui classifie les activités économiques selon leur impact sur l’environnement.
Dans les changements principaux apportés, on peut souligner :
Pour la CSRD :
- Le champ des entreprises concernées est réduit de 80% et toucherait désormais les entreprises de plus de 1000 employé.e.s, avec un bilan de 25M€ ou un chiffre d’affaires de 50M€. On passe de >50,000 entreprises concernées à moins de 7,000.
- Les entreprises devaient auparavant collecter des données de tous leurs fournisseurs où cela était possible, mais désormais elles n’auraient plus besoin de demander des données à leurs fournisseurs hors-CSRD. Les PMEs peuvent rapporter de manière volontaire.
- Les entreprises concernées par la 2e et 3e vague de reporting bénéficient d’un délai supplémentaire pouvant aller jusqu’à 2 ans.
- Le développement de standards ESRS spécifiques à des secteurs d’activité est supprimé.
Pour la CS3D :
- L’accent est mis uniquement sur les partenaires commerciaux directs et non plus sur l’entièreté de la chaine de valeur.
- Le seuil d’évaluation des fournisseurs passe de tous les ans à tous les 5 ans.
- Suppression de l’obligation de mettre fin au contrat pour les fournisseurs qui ne remplissent pas les critères de conformité.
- Suppression des conditions harmonisées de responsabilité civile des entreprises, ce qui signifie que chaque État de l’UE peut fixer ses propres règles.
Pour la Taxonomie européenne :
- Le champ des entreprises soumises au reporting selon les règles de la taxonomie est réduit aux entreprises de >1,000 employé.e.s et avec un chiffre d’affaires de plus de 450M€. Les entreprises ayant le même nombre d’employé.e.s mais avec un chiffre d’affaires inférieur peuvent choisir de rapporter volontairement selon les principes de la taxonomie.
- Les entreprises pourront désormais rapporter des activités partiellement alignées avec la taxonomie.
- Simplification drastique des critères « Do Not Significant Harm » (DNSH) qui empêchent les entreprises de nuire à l’environnement dans leurs activités.
Pourquoi est-ce important ?
La proposition initiale du Pacte Vert est à la hauteur de son ambition de devenir le premier continent neutre en carbone, et invite à une véritable transition dans notre économie. Ce retour en arrière menace cet objectif et envoie un message contrasté aux entreprises et aux investisseurs qui pouvaient profiter de cette opportunité pour être mieux informés et réorienter leur capital dans des entreprises plus vertueuses.
Plusieurs entreprises ont déjà annoncé qu’elles poursuivraient les démarches entamées pour se mettre en conformité avec la CSRD, même si le projet Omnibus était accepté. Des groupements d’investisseurs ont appelé au maintien des directives sous leur forme actuelle et à privilégier un meilleur accompagnement des entreprises et le développement de solutions techniques et d’outils pédagogiques pour réduire le coût de ces démarches .source ici).
Pour les prochaines années, le reporting extrafinancier restera pour la plupart d’entre nous un outil de gestion stratégique, une façon de nous démarquer sur le marché par rapport à la concurrence, et une façon de prendre au sérieux les enjeux et les défis du monde actuel.
Pour aller plus loin
Le sujet du reporting vous intéresse ? Notre formation du 10 avril 2025 à Lausanne sur les exigences en matière de reporting extra-financier vous permettra de faire le point sur le sujet et d’identifier sous quelle forme il sera le plus utile à votre entreprise, notamment pour identifier des pistes d’action pour mesurer et améliorer votre impact. Il sera animé par les deux expertes que sont Sara Gnoni (The Positive Project) et Audrey Cauchet (One Swiss Bank).
sanu reporting
Au sanu, nous avons intégré, cette année, nos analyses et chiffres dans une matrice de double matérialité. Vous trouverez sur notre blog " Nouvelle matrice de double matérialité au sanu " à quoi elle ressemble, et en quoi cela nous est utile, même si nous ne sommes soumis actuellement à aucune exigence en matière de reporting extrafinancier.
Article co-rédigé par Sara Gnoni et Margot Monnier.
Reporting extra-financier des entreprises : incertitudes en Europe